EXTRAIT DE "JEU ET THEORIE DU DUENDE"

 

( . . . ) Le DUENDE est un pouvoir et non un acte, c’est une lutte et non une pensée. J’ai entendu dire à un vieux guitariste professeur : « Le DUENDE n’est pas dans la gorge ; le duende monte de l’intérieur depuis la plante des pieds ». C’est-à-dire qu’il ne s’agit pas de faculté, mais de véritable style vivant ; c’est à dire de sang : de très ancienne culture, de création en acte.

Ce « pouvoir mystérieux que tout le monde sent et qu’aucun philosophe n’explique » est en somme, l’esprit de la montagne, le même DUENDE qui prit dans ses bras le cœur de Nietzsche, qui le cherchait dans son apparence extérieure sur le pont Rialto ou dans la musique de Bizet, sans le trouver, et sans savoir que le DUENDE qu’il poursuivait avait sauté des grecs mystérieux aux danseuses de Cadix ou au cri d’égorgé et dionysiaque de la siguiriya de Silverio.

Non, le DUENDE dont je parle, obscur et ému, est le descendant de ce démon de Socrates, joyeux à l’extrême, de marbre et de sel qui le griffa le jour où il but la cigüe, et de l’autre petit démon de Descartes, petit comme une amande verte, qui, las des cercles et des lignes, s’en alla à travers les canaux pour entendre chanter les marins saouls.

Tout homme, fera appel à Nietzsche, chaque marche qu’il gravit dans la tour de sa perfection, c’est grâce à sa lutte contre un DUENDE, non contre un ange, comme il a été dit, ni contre une muse. Il est indispensable de faire cette distinction pour la base de cette oeuvre. ( . . . )