Montereau Crew


 

 

L'anecdote qui suit eut lieu dans la nuit du Lundi 16 au Mardi 17 juin 2014. Elle se déroule dans un double contexte de grève des cheminots et d'importants travaux d'entretien de la voirie.

 

Les grèves sont prétexte au désordre. Tant mieux.

Il faut s'en mêler. Il faut s'emmêler. Il faut sang mêler.

Fuir ce qui est froid, figé. Tout ce qui ne sait pas, ne veut pas, couler, bouger, brûler. VIVRE.

 

Sauf que la grève, elle paralyse.

Elle fout du sable dans les ballerines et du gravier dans la culasse

Elle coupe court. Elle guillotine.

 

Les trains s'arrêtent. Et les vaches (maigres) passent.

 

GREVE1, subst. fém. Terrain plat et uni, généralement constitué de sable et de gravier.

GREVE2, subst. fém. HIST. Place de Grève. Place située en bordure de la Seine, où se faisaient les exécutions publiques.

GREVER, verbe trans. Alourdir. Faire supporter la charge, le poids de.

 Train de 00h49 à destination de Montereau.

 

Il se peut que tout commence par une erreur. D'affichage, en l'occurrence.

Un train qui roule, ça tient déjà du prodige. Alors un arrêt desservi en pleine nuit sans que plane l'ombre d'un bus . . . Ca poquait vaguement du derche, j'avoue.

D'autant que le Paternel1 n'a pas le miracle facile.

Paris, Gare de Lyon - Voie K, disions-nous. Dernier train vers la Seine-et-Marne. Enfin, pour aujourd'hui. Le département n'étant -a priori- pas voué à disparaître dans la nuit., l'Oncle Walt2 devrait continuer à nous vendre du rêve. Et Carrouf' du Coulommiers3 qui pouire.

Demain, dès l'aube.4 A l'heure où chie la cagne5 (Qu'Hugo me pardonne cet hommage cynique6...)

"Demain". De mémoire d'Homme (Je, couillu et omnichiant), demain n'a jamais été aussi loin que sur cette ligne. Pour rappel : 09/06/2014. Transilien R. Voie K. "Incident Voyageur" en Gare de Savigny-le-Temple. Une passagère (bossant ironiquement pour IDTGV) lâche à qui veut l'entendre : "Deuxième suicide en moins d'une semaine, ça commence à bien faire !" Deux heures plus loin. Alors que nous sommes bloqués depuis la veille (Soupirs) et qu'il fait une chaleur à survivre (au moins), un naufragé de conclure à sa manière : "Il est mort, le bâtard".

Les échoués du rail ont l'indifférence criarde et le retard citrique. Mais revenons à "notre" Gare.

De Lyon (Hasard ?). A son hall dépeuplé aux lumières anémiques. Abritant les derniers passagers aux mains vides. Les parias de la Vie trine.7 Appâtés. Apatrides. Habitués à squatter les strapontins défoncés des RER pourraves. A caboter de faux cul8 en vrais semblables.9 Forclos10 vitupères11. Sans Kobo ni Cobalt12 pour maquiller leurs nuits. Zoïles13 épidermiques des porteurs de pancartes. Révoltés cycliques à la panse replète et aux yeux sales.

 

 

"Rien n'est précaire comme vivre", ce n'est pas Aragon qui me contredirait. Il rajouterait même que "Rien comme être n'est passager ( . . . )". La suite ? Pour tes 30 piges. (Toi-même tu sais.)

 

1 Le "Bon" Dieu.
2 "Walt Disney. Référence faite à Disneyland, implanté à Marne-la-Vallée.
3 Ville de Seine-et-Marne, bien connue pour son fromage...
4 Poésie de Victor Hugo.
5 Le Pastiche de ladite poésie d'Hugo. "Cagne" (Vieux) = Chien de mauvaise race.
6 Jeu de mots sur le double sens de "Cynique" =

- Relatif au(x) chien(s).

- Provocant, insolent, aux limites de l'impudence.
7 "Trine" : En théologie, composé de 3 éléments ou personnes. Exemple : Le Père, le Fils et le Saint-Esprit. Ici : Papa, Maman et un chiard = Une vie de famille. + Jeu de mots avec "Vitrine", il va sans dire.
8 "Faux culs" = Nom donné aux "Strapontins". Jeu de mots avec "Faux Culs" = Hypocrites...
9 Jeu de mots avec "Vraisemblable". "Vrais semblables" = Personnes "vraies".
10 "Forclos" = Exclus.
11 "Vitupérer" = Fustiger, protester, condamner.
12 "Cobalt" = Métal gris clair, tirant légèrement sur le rouge, utilisé entre autres choses pour la fabrication de colorants.

Le plus souvent bleus. (Bleu nuit, toussa...)  + Jeu de mots avec "Kobo" = Liseuse numérique.
13 "Zoïle" (Substantif) = Critique, envieux...

 

Non Marou, ne sois pas si grave.

Il est des notes qu'il faut prendre plus haut. Comme une violin touch sur du Black Metal.

Bien sûr il t'a fait peur, celui qui voulait sauter du Train Bleu. Celui qui trainait sa vie comme une serpillère sur le carrelage dégeu. Comme un bagage encombrant au cuir fatigué. Du genre qui pèse des tonnes, tu sais. Du genre frigo tout pourri ou canapé destroy, qu'on laisse sur le pavé un Dimanche. Pour que les "Monstres" viennent le chercher. Ils sont venus, les Monstres. Ne laissant que le vieil homme et l'amer.1 Sans compagnie.2 Avec pour seule envie de s'envoyer en l'air. Bien sûr tu as perdu les mots. Le temps d'un haut le coeur. Le temps d'un refrain.
"Sometimes it pushes you, pushes you down" ♪ Souris, putain. Montre-lui comme t'es belle. Sans fard. "Like birds in the storm" ♪ Bien sûr tu as perdu la face. Ta face de précaire occasionnel à la moue dissymétrique. Jusqu'à c'qu'il mendie une pièce, ton misérable. Pour acheter des bombecs, qu'il a dit. Comment lui refuser l'obole ? Candy Crush à la mode ferrovière. Ca avait presque de la gueule. La gueule d'un vieillard édenté mâchouillant des crocodiles, avec dans les yeux une ultime trace de l'espoir enfantin, annihilé par l'expérience, qu'en détournant le regard on pouvait devenir invisible.

Bien sûr il t'a fait peur. Comme on fait fuir ceux qui s'en viennent. (Ceux qui sans Vienne . . .) Bien sûr il t'a fait peine. Capitale. ♪ "Capitaliste que dalle" ♪ Alors tailler la route jusqu'à la grande verrière. Hall n°2. Sous la lune un peu de lumière. Seoir son séant sur le tout synthétique. Avachir son colon au supplice amnésique.3

Bien sûr il t'a fait peur, mais ceux-là t'ont fait rire. Celui qui pionçait la tête à l'envers. Qui ponçait des lattes imaginaires de ses cheveux hirsutes. Celui qui pédalait tout son soûl pour oublier l'Absenthe.4 Et cet autre qui jouait du piano-forte, comme un chat gris5 sur un Steinway. Même celui-là qui. Disséminait sa poudre aux vertus émollientes . . .

 

- La vie en rose Mademoiselle, tiens.

- Elle est de quelle couleur ta vie à toi, hein ? Vert-de-Gris ?

- Moi ? Je suis blanc. Avant j'étais invisible, tu comprends.

Maintenant il neige dans la salle d'attente. "Blanc comme neige" Mademoiselle, tu comprends ?

Le rose c'est pour les filles. Mais "Vert-de-Gris" c'est pour qui ?

- "Vert-de-Gris" c'est pour les statues de cuivre, enfiellées de temps qui passe . . .

Bon aussi pour les serial lovelaces.6 "Et sur sa tombe il sema du persil" ♪ 

Toi t'es blanc comme nuit, j'ai bien compris. But why?

 

Du sucre. Le gars dealait du sucre !

Du sucre en gros morceaux écrasés à la barbare dans des ziplocs de contrebande !

Paris. Gare de Lyon, 00h00. J'ai une discussion métaphysique avec un dealer de sucre en poudre. Où commence l'absurde ? "Là où s'arrête l'arrogance." Je (Mésaise et insolent) remâchait à voix haute et sans ambages. Bergson m'a entendu. En vrai "Bergson" s'appelle Chedid. Je lui raconte "L'Autre".7 Il me raconte ses nuits. Saupoudrées de Beghin Say . . . No joke. Il ne supporte pas l'alcool. Qui anesthésie les chairs et le ciboulot. Le sucre le stimule. Donne du corps à ses rêveries diurnes. Il le récupère sur les tables cossues du Train Bleu. Ne lui manquent que des fraises, de son propre aveu . . .

 

"Aux mains vides" qu'elle disait. Les menottes pleines de ce qu'on a laissé... De pire et de mieux.

Alors, regarder avec lui le dernier train se remplir. Se remplir de ceux-là qui. Les mains pleines de vide, pleines de sacs, pleines de bouffe, pleines de technologie. Pleines de suffisance, aussi. Ceux-là qui manquent de l'essentiel. Se remplir de ceux-là. Les sans ciel.

 

1 Jeu de mot. Référence au "Vieil homme et la mer" d'Ernest Hemingway.
2 "Cf. Le dessin animé :  "Monstres et compagnie".
3 Cf."Ca fait chier" qu'on pense sur le coup, jusqu'à ce qu'on y pense plus du tout.
4 Autre nom de l'Absinthe. Jeu de mot avec "Absente'.
5 Jeu de mot. "Gris", la couleur. Et "Gris" signifiant "Ivre".
6 Lovelace : Séucteur libertin et peu scrupuleux. Obs: Le vert-de-gris est l"oxydation (toxique) du cuivre. Et le vers qui suit est extrait d'une chanson populaire qui raconte l'histoire de Sire Framboisy qui empoisonna sa femme avec du vert-de-gris...
7 Livre d'Andrée Chédid.

Le train va partir.

 

Un jour, c'est sûr. Mais on ne sait pas trop quand. Peut-être dans la minute. Peut-être pas.

On n'est pas aux pièces, qu'ils disent . . . Pour peu qu'il roule. Pour peu qu'il roule . . .

Ca fait lourd comme pépin1 dans besace. (Ceux en bois massif aux baleines de Tadoussac.^^) J'en regretterais presque les jours de pluie. Presque, elle a dit. Ca sent foûtument la pisse, aussi. Faut croire que j'ai loupé un concours de bistouquettes à Loompaland.2 My bad. J'avais piscine.

 

Ca y est le train part. La bonne nouvelle c'est que je suis dedans. La mauvaise -si l'on peut dire- c'est que j'ai omis de valider mon Navigo. "Acte manqué" me hurle Freud aux portugaises. "Edmund, bitte. Lass mich in Ruhe !"3 Vrai que j'ai pas navigué des masses, ces derniers temps.

Acceptance infuse ou révolte pétocharde, quand ça grève ça sur-place. Et ça sur-soûle, évidemment. Non mais écoutez-la se plaindre, la Diva des wagons-lits. 'Bleau4 Express à la médianoche, qui plus est un Lundi, c'est plus du luxe mais du privilège. Du confort qu'elle te dit.

 

Mon chum de benne5 (Dit comme ça, ça fait un peu "Pants Mate"^^) me propose une Guinness. Pour la troisième fois en cinq minutes. [Ben là]6 "Allez. Fais pas ta luxuriante  !" Qu'il me lance. J'ai-tu une gueule de fougère, mon homme ?7 (Sourire) La vitre me renvoie une ombre aux traits tirés. On est pas loin de la plante, en effet.^^

 

1 Parapluie.
2 Île des Oompa Loompas dans "Charlie et la Chocolaterie".
3 "Laisse-moi tranquille", en allemand dans le texte. Obs: Le prénom de Freud est en réalité Sigmund.
4 Les habitants de Fontainebleau abrègent souvent le nom de l'agglomération.
5 Mon "Pote de Wagon". (Chum signifiant "Ami" en québéquois.)
6 Expression québécoise qu'on pourrait traduit par : "Sans blagues".
7 Formulation québécoise. "Mon homme" étant calqué sur le "My man" anglais. A traduire par "Mec".

"Jusqu'ici tout va bien", comme dirait l'autre. Le train traînarde. Le paysage défile. La plèbe1 soularde. Et la noblaille2 rit. Maison-Alfort, Alfortville (Entre la Seine et l'A86, à flan de voie ferrée, un cimetière. "Eternel Repos", qu'ils disaient. . .). Le Vert-de-Maisons (Où il n'y a plus ni Vert ni Maisons), Créteil-Pompadour (Moins Pompadour que Créteil), Villeneuve-Saint-Georges, Montgeron-Crone. Elles sont désormais loin les pagodes du 13ème. Yerres, Brunoy, Boussy-Saint-Antoine, Combs-la-Ville-Quincy, Lieusaint-Moissy, Savigny-le-Temple, Cesson, Le Mée . . .

Je lis "La Déesse Des Petites Victoires". Tonton-la-Picole se la joue Guinness World Record3 lorsqu'Albert (Einstein, s'il vous plaît) s'invite à la table.4 Pour sûr mon "Candy Crush" en Gare de Lyon aurait apprécié le flamand rose, en couverture. (Ou pas. Oumpa oumpa oumpapa . . .)

 

MELUN - Le train s'arrête et le doute m'habite. (No comment) Mon nouvel ami de toujours et moi-même nous interrogeons du regard (Mais peut-être a-t-il simplement envie de vomir ?) : "Se peut-il que le conducteur du train ait oublié d'annoncer la desserte en bus pour 'Bleau, au départ de Melun ?" Dieu, dans son extrême bonté, aurait-il résolu de me casser les bonbons5 qu'il ne m'a pas donnés ? Un hôchement de tête. Mon agnostique anonyme semble confiant. Ah, on me glisse à l'oreillette que sa tête vient, simplement, de descendre d'un étage. Du dur apprentissage du lever de coude6 . . . Alors, descends, descends pas ? Du wagon ? Le chauffeur ?

"Hey, tu vas où, toi ? 'Bleau ? Thomery ? Montereau ?" "Bois-le-Roi ?" (. . .) "Dans ton cul." grommelle le boit-sans-soif. Alors s'armer de son joli sourire. Faire taire le rottweiler en soi.

L'est pas méchant, mon ami d'offense. Un brin tranchant, tout au plus. Mais rien qui ne laisse de traces. (Quoique les sièges en tissu vert tendre pourraient me contredire . . . Well, shut up seats! Please.) "Bleau. Je vais à 'Bleau." L'est pas méchant, mais l'est pas non plus super fiable.

Il s'accroche à son siège moins par conviction que pour avoir l'air stable. Alors on fait quoi, Gainsbarre et moi ? On se la joue optimist7 à Cavalaire ? On prend la poudre d'Es Pompette8 ?

Celle de "Candy Man" ? On s'en met plein la lampe et on y voit plus clair ? "Y'avait marqué quoi sur le tableau d'affichage ? Tu t'en souviens, toi ?" "Dans le doute vaut peut-être mieux qu'on descende." "Sais pas. Tu veux un bonbec ?" J'arraisonne et Saccharine9 entre dans la danse. . . . Les mains vides ont les doigts qui collent. Définitivement.

"In dubiis abstine" au front des philosophes. "Dans le doute abstiens-toi." Alors jouer l'abstinence sur les banquettes en polyamide. Le toupet aux vitres, comme les veilleurs de chagrin. MELUN. La cabine reste close et mes questions sans réponses. Seul Morphée frappe à la porte lorsque tout à coup (Tadaaa) un carafon10 surgit. "Ce train va bien à Fontainebleau ?" s'enquérit le petit être angoissé jusqu'aux oreilles. "Ecoute, a priori. Mais dans le doute . . ." "Il était annoncé direct, en Gare de Lyon" me jure-t-il comme pour s'en convaincre. Sur la plate-forme un gars opine . . . Du coup on reste là, Junior, le suppôt de Bacchus. Et moi.

 

Le train repart, on devrait être à Bois-le-Roi dans cinq minutes.

Cinq minutes. Dix. Quinze. On est où, là ? Pourquoi on s'arrête pas ?

Oui-Oui (Le gars qui opinait du chef sur le palier, tel un caniche de plage-arrière) passe par toutes les couleurs de l'arc-en-ciel. Il n'opine plus. Il turlupine. "La seine est du mauvais côté.." dit-il. (Le genre de détail qui a son importance . . .) De deux choses l'une. Soit Dieu joue au petit train (Auquel cas je le prierais d'arrêter de faire mumuse.). Soit le conducteur dudit train a un peu trop forcé sur la camomille. Dans les deux cas (Huhu), on y est. On y est bien.

 

On ne sait pas où on va, mais on y va. Tout doucement. . . ♪ "Arrêter les minutes supplémentaires. Qui font de ma vie un enfer." ♪ Ahhh, Bibi . . . Les passagers affluent dans notre wagon de compêt'. A jamais les premiers, s'enorgueillaient les poètes. (Coooool) A quelques encablures une ricaine délurée fait la pêche aux infor . . . Thunes. Ca brasse du bifton dans les corridors. Du cauri11 vert dans le lagon. "Are we going to Fontainebleau?" lance-t-elle désoeuvrée. Le regard mutin et la tenue proprement inadéquate à telle expédition dans un noctilien de province . . . "Are we going to Fontainebleau?" Je crains que non, Mistinguette . . . "I need to go to. I have money." Mais il est encore des circonstances -et nous l'allons montrer tout à l'heure^^ - où l'argent ne sert qu'à répandre son odeur . . . Ladite libellule, à la fraîcheur revigorante, est accompagnée de deux simili jet-setteurs branchouilles qui semblent subir le poids de leurs lunettes. Mais trêve de considérations paterialistes. Ca commence à gronder dans les coursives. A se rebeller de la mèche. Blonde. Sans filtre. Ca commence à comprendre qu'on est un peu / beaucoup (Passionnément. A l'impolie.)  dans la mémerde . . .

Une demi-heure plus loin. Le train s'arrête.

2h du matin. MONTEREAU, Terminus de ce train.

Le conducteur descend. Les wagons s'éteignent.

Le maître chien devise. Et la rebellion s'organise.

1 Foule anonyme. Bas peuple.
2 Jeu de mots. "Noblaillerie", subst. fém, péj. "Désir de paraître noble, prétention à la noblesse.
3 Jeu de mots. "Guinness" étant une marque de bière...
4 Résumé de "La Déesse Des Petites Victoires", de Yannick Grannec : "Université de Princeton, 1980. Anna Roth, jeune documentaliste sans ambition, se voit confier la tâche de récupérer les archives de Kurt Gödel, le plus fascinant et hermétique mathématicien du XXe siècle. (...) Albert Einstein aimait à dire : « Je ne vais à mon bureau que pour avoir le privilège de rentrer à pied avec Kurt Gödel. » Cet homme, peu connu des profanes, a eu une vie de légende : à la fois dieu vivant de l’Olympe que représentait Princeton après la guerre et mortel affligé par les pires désordres de la folie. Yannick Grannec a réussi, dans ce premier roman, le tour de force de tisser une grande fresque sur le XXe siècle, une ode au génie humain et un roman profond sur la fonction de l’amour et la finalité de l’existence."
5 Valseuses, roubignoles, grelots... ^_^
6 "Lever le coude" = Picoler...
7 Jeu de mots. L'optimist étant un petit voilier...
8 Jeu de mots. "Docteur Es Pompette" et "Prendre la poudre d'escampette".
9 "Edulcorant au pouvoir sucrant."
10 Une tête. ;-)
11 Petit coquillage blanc ovale du groupe des porcelaines, servant de parure et de monnaie dans plusieurs régions de l'Afrique et de l'Inde.

 

La situation est la suivante.

Il est deux heures et quelques du matin. (Deux heures et quelques pèlent reins.) Il fait 4°. Tout rond. Nous sommes à 25 kilomètres de Fontainebleau, environ. Soit 4h30 de marche, au bas mot. Pour les pouilleux (J'en suis) en jean baskets. Pour les mondains et les poivrots ça risque d'être un poil plus longuet, par contre . . . Et là une question doit vous brûler les doigts : Pourquoi à pattes ? Oui, pourquoi ?

Parce qu'il n'y a -De source sûre- (La Seine, eheh !) plus aucun moyen de transport, ma pov' Josiane . . . (Remember? "I have money, I can pay." You can pessimiste, yeah.) Bien sûr y'a toujours la solution Jacky (Du 7.7, ouaich, bien), heureux propriétaire d'une 206 tunnée aux ambitions taxistes, qui se fera un plaisir de vous prendre., Mesdemoiselles. Dans tous les sens du terme . . . 50 "eu" pour se retrouver à quatre pattes dans la forêt de Fontainebleau ça fait quand même un peu chéro. . . N'est-il pas ?

Well. Une fois dépassé le très attendu "What the fuck are we doing here?" et s'être livré au jeu du "C'est la faute à quiqui donc ?" on pose enfin THE question. The one and only : What's going on, now? Après moult négociations et quelques éclats de voix (Le cheminot de son état s'est rendu sourd à force de . . . Ouais, voilà.) la SNCF se résoudra finalement à nous affréter un bus. Inch'Alléluiah. Montereau Crew (C'es-tu pas cute?) = 1 SHaineCF = 0. Je suis à deux doigts de me payer une Vittel Fraise au distributeur pour fêter ça. . . Mais j'ai la victoire modeste. (Proud)

Et aucune confiance en mes congénères, il va sans dire. (Ah ben si, c'est dit.) Bien sûr les minutes se transformeront en heures et lorsque ledit bus débarquera enfin (Oui, parce qu'on en a quand même vu le cul, hein !) nous apprendrons qu'il venait de -Tenez-vous bien- Paris. . . Ca mériterait presque un article.^^

 

 

+ Cristina, sa copine américaine et son boyfriend français qui vit à Fontainebleau.

J'ai nommé (Cricri, Fifi et Loulou).

 

+ Un couple de vieux. (Walter and Co')

 

+ La femme à la doudoune dorée. (Lady Gaga)

 

+ Le gars en tee-shirt et lunettes de soleil qui se pèle le jonc. (Mister Freeze)

 

+ Celui en jean et haut beige, bien sympatique. (Oui-Oui)

 

+ Le vieux barbu à casquette qui a prêté sa veste à Cristina, qui mourrait de froid. (Robert)

 

+ Les 2 sdf bourrés comme des coins. Et le troisième à l’alcool joyeux qui s’est trompé de train. (Les 3 Stoodges) Celui-là hurle à qui veut l’entendre qu’il doit se rendre à Laroche-Migennes. Il s’est trompé de train. Et pas qu'un peu. . . Nous sommes à 80 bornes de son point de chute. . . Il carbure à la Heineken. Et drague lourdement l'américaine. Il parle d’Agassi, de Bush, d’Israël, de Clint Eastwood, de Pete Sampras. . . Il désosse son porte-clefs pour en offrir l’anneau à Cristina. It's so romantic, my dear . . . So romantic.

 

+ Le petit Turc aux yeux verts qui parle italien.  ⇒ Il a vécu à Ventimiglia et travaillé dans un Kebab de Nice, en face de l’ancien Stade. (Il se peut que nous nous y soyons croisés.) Il travaille maintenant à la "Taverna di Barbablu", dans un village que je connais bien . . . (Salah)

 

+ Le grand black qui se rend à Thomery. Il revient d’un mois aux States. Il était à L.A la semaine passée et se retrouve galérien du rail en Seine et Marne au beau milieu de la nuit. . . On parle bilinguisme passif, architecture, compagnies d’aviation, urban culture. . . Il me vouvoie. (Tony)

 

+ Le Réunionais vénère qui hurle « Don’t shouuuuuuut !!! » au chauffeur du bus, déjà bien gentil d’être venu nous chercher dans le trou du cul du monde à 4h du matin. Il menace d’appeler la gendarmerie. On menace de le laisser sur place. « Au château. Je descends au Château. Tu me poses au château. » Il finira à pieds. . . (Roger)

 

+ La jeune black qui drague le stagiaire. (Anastasia)

 

+ Le stagiaire. (Junior) Jeune black en stage d’infirmier à l’EPAD. Il doit se lever à 5h pour un examen important. De l'art de perfuser sans avoir dormi. Il risque d'avoir du mal à justifier la tremblotte à l'infirmière chargée de l'évaluer . . . Qui plus est le p'tit gars a le béguin pour Cristina. Il n'ose pas s’exprimer en anglais car il ne maîtrise pas assez la langue. Il finira par lui faire écouter la musique de son frère sur son téléphone. En mode "Rap français" dans le placard à balais qu’on nous vend pour une salle d’attente . . .

 

+ L’aiguilleur. (Poulet) (Aiguillettes de poulet, tousssa . . . ) Dont on se demande ce qu'il fout là.

 

+ Un gars de la sncf qui tente de nous expliquer le pourquoi de la grève et répète toutes les trentes secondes « Je saurais pas vous dire pourquoi ». (Dédé)

 

+ Les 7 personnes qui sont parties à pied sans demander leur reste . . . (Les 7 nains)

Elle s’appelle Cristina. De mère Cubaine et de père Péruvien. Elle n’a - A son grand dam- pas la double nationalité. A cause de l’embargo, dit-elle. Mais ça reste un sacré mélange. Elle est née à Vegas. Et se retrouve à Montereau-Fault -le trou du cul de l'Yonne- au beau milieu de la night. Fourreau à paillettes et talons de 16 (Centimètres). Elle oscille entre exaspération et découragement. Sa copine pleure de fatigue dans les bras de son skinny chum. Pas elle. Elle, elle a pleuré en entrant dans Notre-Dame. Elle est journaliste. Elle a 22 ans. Elle est engaged et graduated. C'est important. Journaliste, qui l'eut cru ? Elle aurait pu continuer ses études mais s’est arrêtée lorsqu’elle a eu son diplôme. Elle a estimé qu’elle en apprendrait davantage par elle-même, en parcourant le vaste monde. Elle n’avait jusqu'alors jamais été en Europe alors elle a quitté son job. Aux states ils n’ont que deux semaines de congés payés alors elle a été obligée de démissionner. On lui a garanti qu’elle retrouverait son travail en revenant. Mais elle n’est pas sure de revenir. Elle a été en Norvège, au Danemark. La semaine dernière elle était à Amsterdam, qu’elle n’a pas aimé. Puritanisme oblige. La semaine prochaine elle sera à Londres.

 

On parle d’André Agassi, Bush, Kennedy, Marylin Monroe, Hussein de Jordanie (WTF, huh?), Irak, guerre en Afghanistan, Party People, Père Lachaise, Montmartre. . . . On parle de la Basilique Saint Denis où sont enterrés les Rois de France. On parle de swear words, de rough souls. De l’image qu’ont les Ricains de nous. Et réciproquement. On parle du coût de la vie. "Very expensive" Plus encore en Europe qu’aux States. Le rêve américain à crédit. Loin des films qu'on s'en fait. La plupart des Ricains, dit-elle, ne sont ni conservateurs ni cathos, ni riches. Ils sont cons, par contre. On rit. On parle de l’identité américaine. Qui n’existe pas. On se souvient que les seuls vrais ricains sont les Indiens d'Amérique, parqués dans leurs réserves. Victimes de l’alcool et du gambling. On parle de "Blümchen" aussi. Enfin, surtout elle.

En Allemand dans le texte, please . . . (Un ancêtre lointain. Du côté du Pérou ? Oh dear.)

Et puis. Sur sa carte elle a entouré les endroits notables. Au nord, Clichy. Et un "Whyyy ???" stupéfait de ma part. Clichy ? Ah ouay ? J’apprendrai qu’il n’y a rien à Clichy sinon ses amis du net. Tout s'éclaircit. J'apprendrai aussi qu'après être descendue à l'Hôtel de Ville elle a remonté les Champs Elysées en talons hauts. . . Elle ne parcourra pas les quatre kilomètres qui la séparaient de l’Arc de Triomphe. Elle craquera à deux arrêts. Mais elle l’aura vu de loin. . .

La Tour Eiffel aussi, elle l’aura vue de loin. Elle a la même à Vegas après tout. . . (Sourire)

 

Le temps passe plus vite qu'on ne l'aurait pensé.

Alors que le bus arrive, Fifi cherche toujours le cimetière où est enterré Shakespeare.

Elle ne risque pas de le trouver. On rit.


Ce jour-là je verrai le soleil se lever sur la Forêt de Fontainebleau . . .

Voilà. C'est un peu le bordel dans mes notes, tu m'excuseras.

Mais la vie c'est aussi ça. Un joyeux bordel. Joyeux. Pourvu qu'il le soit.


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